Quels agents pour autonomiser les marketers: retour sur l'Adobe Summit 2025
Comme Canva, Adobe semble oeuvrer pour sortir les créatifs de la boucle: jusqu'où les plateformes iront-elles et où en sont-elles à ce jour ? On fait le point !
La promesse d’une autonomie marketing totale - agitée déjà par Zuckerberg il y a quelques mois - est en passe de devenir réalité… grâce à l’IA. Adobe ne se contente plus d’outiller les créatifs ; le géant pivote pour armer désormais les marketers.
Alors, ces nouveaux outils sont-ils conçus pour remplacer vos collaborateurs créatifs? Cet article analyse les dernières innovations en matière d’IA présentées par Adobe ce mercredi 1er octobre à Paris, et discute des implications pour les agences créatives, sur la base des enseignements de l’Adobe Summit.
Vous pourrez également découvrir en détails la manière dont de grandes marques comme Sephora, L’Oreal, LVMH et Credit Agricole les utilisent pour internaliser leur production d’assets de marques pour leurs marchés
De 2024 à 2025: une montée en puissance de l’IA chez Adobe
Il y a un an on découvrait GenAI Studio, un outil centré sur la génération de variations publicitaires à partir de modèles pour les réseaux sociaux (Meta, Linkedin), avec un “brand score” pour garantir la conformité à la marque
Les marques dépendaient encore de personas statiques à définir manuellement pour obtenir des insights susceptibles de booster la performance de leurs productions.
En 2025 GenAI studio devient plus complet et mature pour la création et la déclinaison de contenu image comme vidéo. On peut désormais travailler sur d’autres canaux comme TikTok, et l’intégrer à tout l’écosystème Adobe (Express, Photoshop, Campaign). Des segments d’audience réels et dynamiques issus d’Adobe Experience Platform* remplacent les personas statiques. Ces segments seront ensuite utilisés par d’autres outils Adobe (comme Agent Orchestrator ou GenStudio) pour automatiser la création de campagnes et permettre une hyperpersonnalisation à grande échelle.
*AEP est le socle technologique qui héberge et connecte ensemble toutes les applications Adobe: on peut dire que c’est le cerveau / système nerveux central de leur écosystème !
Exemple: Customer Journey Analytics fournit des graphiques et des résumés sur le comportement des clients, comme par exemple les voyages d’affaires. AEP stocke ce type de données et les rend exploitables pour ses agents.
A retenir: toujours commencer vos brainstormings avec l’IA par une recherche avancée sur le persona client qui fait l’objet de votre campagne pour contextualiser vos générations. La qualité et l’exploitabilité des données sur lesquelles vous vous appuierez pour collaborer avec ChatGPT et les autres sera déterminante - nos consultants Fleet Forward vous épaulent pour structurer votre patrimoine data.
La nouvelle boîte à outils du marketer autonome
Adobe a présenté un écosystème complet de solutions connectées et dopées à l’IA, conçues pour automatiser l’ensemble de votre chaîne de production de contenu (ils parlent de ”Content Supply Chain”).
A. Agent Orchestrator : le chef d’orchestre de vos campagnes
L’Agent Orchestrator est un assistant IA intégré à l’Adobe Experience Platform. Sa fonction principale est de planifier et de créer une campagne complète à partir d’une simple instruction de l’utilisateur. La démonstration de mercredi avec la marque fictive “Mariotte” a illustré ses capacités :
• Livraison instantanée d’un planning de campagne complet incluant l’audience, le parcours client et le contenu.
• Analyse de données simplifiée en langage naturel via Customer Journey Analytics pour rendre les données disponibles compréhensibles par tous (va-t-on aussi dire au revoir aux data analysts?)
• Création automatisée de segments d’audience prêts à être sollicités (ciao les études conso one shot, bonjour les conversations à toute heure)
• Génération de parcours client en garantissant un contrôle total au marketeur qui peut modifier chaque élément (j’attends de voir l’écart entre promesse et réalité !)
• Création de contenu d’emails personnalisés utilisant les assets de la marque et des visuels générés par Adobe Firefly (on attend de voir si les taux d’ouverture et de clic grimpent !)
B. Firefly Services : pour industrialiser la production créative
Ce sont des “API créatives” qui permettent d’automatiser à grande échelle la retouche / transfo de vos contenus (détourage, changement de format, génération de fonds..) sans intervention manuelle avec Photoshop. Leur impact pourrait être majeur:
• Production de masse de milliers de variations à partir d’un seul “master asset”.
• Contrôle humain préservé grâce à un espace collaboratif où les créatifs peuvent valider, commenter ou demander des retouches.
• Libération du temps créatif en éliminant les tâches de production répétitives et à faible valeur ajoutée.
• Synchronisation automatique des assets validés avec le DAM (Digital Asset Management) de l’entreprise, les rendant immédiatement disponibles de tous.
C. Adobe Express : création de contenu démocratisée et sécurisée
C’est un outil conçu pour les profils non-créatifs, pensez responsables de magasin ou équipes commerciales, afin de leur donner de l’autonomie… tout en protégeant l’identité de votre marque.
• Autonomie sous contrôle via des modèles de marque où les éléments clés (logo, polices, couleurs) sont verrouillés, ne laissant que certains champs modifiables.
• Agilité et réactivité locale pour créer rapidement des promotions locales ou des déclinaisons multilingues sans solliciter les équipes créatives centrales.
A retenir: Agent Orchestrator lance l’idée, Firefly produit en masse, GenStudio package et optimise par plateforme / format / marché, et Express démocratise l’usage du contenu.
L’Oréal, LVMH, Sephora, Crédit Agricole… ont déjà pris les choses en main
Ces grandes marques sont venues témoigner de comment elles utilisent les nouveaux outils Adobe pour gagner en autonomie dans leurs périmètres respectifs. Tandis que L’Oréal, LVMH et Sephora ont amorcé des transformations d’envergure mondiale, le Crédit Agricole illustrait son cas de convergence purement français.
A. L’Oréal : internalisation et démultiplication des productions
L’Oréal a opéré une transformation radicale. Face à un modèle décentralisé où chaque pays utilisait sa propre agence (approche jugée non scalable), le groupe a lancé le projet “Orchestra”. L’objectif : créer une content supply chain interne et industrialisée, déployée à travers l’Europe, les États-Unis et l’Asie. Cela inclue la mise en place du studio créatif interne “CreaTech”, qui s’appuie sur Adobe Firefly.
L’objectif: passer d’un modèle d’agences fragmenté à un modèle industriel et internalisé, réduisant les délais de projet de plusieurs mois à quelques semaines - avec pour résultat la production de centaines de milliers d’assets par ce biais en cette année 2025.
B. LVMH : promouvoir des créations humaines à plus grande échelle
Pour LVMH, la créativité est au cœur du luxe et doit rester sous le contrôle de l’humain (le “directeur artistique”). L’objectif n’est pas de laisser l’IA “lisser” ou standardiser la vision créative, qui doit rester unique et distinctive. Le défi pour LVMH est d’industrialiser son déploiement à l’échelle mondiale: en effet un seul produit peut nécessiter de transformer 25 “master assets” (visuels de base) en plus de 1500 déclinaisons pour s’adapter à 60 pays.
Cela peut représenter jusqu’à 700 assets à produire par jour pour une seule de leurs marques. Cette tâche de démultiplication était auparavant titanesque et chronophage.
La solution était d’intégrer l’IA à chaque étape du processus marketing : LVMH a mis en place une stratégie où l’IA intervient sur toute la chaîne.
◦ En phase d’idéation, l’exemple des vitrines Dior a été cité : l’IA enrichit le dialogue et stimule l’inspiration entre les équipes créatives et la direction artistique de marque.
◦ En phase de production et de distribution : c’est ici que les outils Adobe, comme Firefly Services, jouent un rôle clé. Ils permettent de créer des assets de très grande qualité et de les démultiplier massivement de manière automatisée.
Résultat : un gain d’autonomie sur la production de masse. En automatisant la création de milliers de variations, LVMH gagne en autonomie face à des agences désormais hors jeu tant les coûts pour produire chaque asset “à la main” sont incompressibles. Les équipes humaines se concentrent sur la direction artistique initiale, tandis que la technologie assure le déploiement à grande échelle avec cohérence et efficacité.
En résumé, pour LVMH, l’IA d’Adobe est un levier de “scaling” (mise à l’échelle) qui permet de préserver la préciosité de la créativité humaine tout en répondant aux exigences industrielles du marketing mondial.
Pour une campagne, 25 “master assets” peuvent se transformer en plus de 1500 déclinaisons pour 60 pays.
C. Sephora : plus d’efficacité dans la collaboration interne
Le cas de Sephora illustre parfaitement la mise en place d’une “Content Supply Chain” optimisée.
Auparavant, pour une campagne mondiale comme le Black Friday, 7 régions produisaient 7 campagnes distinctes, souvent via 7 agences différentes… entraînant une duplication des coûts et des efforts d’alignement des parties.
Aujourd’hui, grâce à un DAM global enrichi par l’IA d’Adobe, une seule région (ou une équipe centrale) peut produire une campagne “master”. Les 6 autres régions peuvent alors puiser dans cette bibliothèque, trouver facilement les assets pertinents grâce à l’IA, et les adapter de manière autonome et rapide pour leurs marchés locaux avec des outils comme Adobe Express.
C’est de l’ “efficacité collective” : le retour sur investissement créatif est maximisé, le temps de mise sur le marché est réduit - et le recours aux agences pour des tâches de production répétitives diminue drastiquement.
D. Crédit Agricole : le digital et l’IA comme levier de convergence stratégique
Le cas du Crédit Agricole porte sur l’alignement stratégique plus que sur la production créative. Le défi était de coordonner 39 caisses régionales autonomes en France. La solution a été d’utiliser une plateforme technologique comme celle d’Adobe comme socle commun pour une experience client digitale plus homogène.
L’IA intégrée Adobe agit comme un chef d’orchestre intelligent qui analyse les données de millions de clients en temps réel. Cela permet au groupe de déployer des stratégies marketing et des services personnalisés de manière unifiée, donnant l’impression au client d’interagir avec une seule et même grande banque, tout en respectant l’autonomie locale.
C’est ainsi que l’“autonomie stratégique collective” est atteinte : chaque caisse reste autonome, mais elles s’appuient toutes sur le même “cerveau” digital et les mêmes capacités d’IA pour agir de concert sur le plan numérique, ce qui les rend collectivement plus efficaces et pertinentes.
Conclusion : si l’internalisation s’accélère, quel avenir pour les agences ?
Les nouveaux outils d’Adobe ne font qu’accélérer une tendance de fond : les marques internalisent et automatisent des pans entiers de la production marketing qui étaient autrefois le pré carré des agences.
• La déclinaison massive d’assets
• Leur traduction et l’adaptation aux besoins locaux
• La production de contenu à grande échelle…
Alors, les créatifs sont-ils sortis de la boucle ? Si le discours ambiant assure qu’ils ne seront pas remplacés, la nature de leur travail est en pleine mutation. Surtout quand on constate que l’approche “Data” n’est que rarement portée dans leurs offres.
Les outils prenant en charge la production répétitive et volumétrique se multiplient, laissant aux humains les tâches à plus forte valeur ajoutée comme la stratégie de marque et la direction artistique initiale… or les agences qui sont reconnues sur ces aspects ne sont qu’une poignée, et risquent de raffler l’essentiel du business.
La question est moins “si” ces bouleversements vont se faire sentir que “quand” les agences dont le modèle économique dépend de ces prestations à volume élevé en feront les frais. Leurs clients ne se posent plus la question de l’internalisation, mais de son calendrier d’exécution, et 2026 va faire mal.
Je suis Marie Robin, fondatrice de Fleet Forward (collectif d’experts IA business, crea et tech), consultante et formatrice en transformation IA marketing. J’accompagne notamment les agences créatives avec mon pool de consultants business et creative technologists pour leur faire bénéficier de notre avancée sur ces sujets, designer de nouveaux services, process et de nouvelles expériences client qui les mettront à l’abri des offensives des GAFAM. Prenons RDV pour parler de votre cas !





